« L’objectif d’une norme volontaire n’est pas de délivrer des exigences inatteignables »

Très impliquée autrefois dans l’élaboration des normes volontaires sur les produits cosmétiques, Danièle Chiambaretto, pharmacien-conseiller à l’Agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, assure maintenant la présidence de la commission AFNOR sur les bonnes pratiques de tatouage. Retour sur ses aventures en normalisation volontaire.

Le Mondial du Tatouage s’est tenu début mars à Paris, un rendez-vous incontournable pour vous qui présidez la commission AFNOR sur le tatouage. Comment l’aventure normalisation a-t-elle débuté pour vous ?

Ce n’est pas tout à fait un hasard. Tout a commencé en 2005, lorsque j’étais cheffe d’unité « Cosmétiques et tatouages » à l’AFSSAPS*. Nous participions à un programme de la Commission européenne sur des bonnes pratiques de fabrication des produits cosmétiques, or la rédaction de ce texte était très laborieuse. Les industriels de la cosmétique ont alors souhaité lancer des travaux de normalisation. L’AFSSAPS figurait au tour de table. J’ai ainsi intégré la commission AFNOR « Produits cosmétiques ». Ce fut ma toute première expérience en normalisation volontaire. Mais pas la dernière : depuis 2015, j’assure la présidence de la commission de normalisation AFNOR sur le tatouage.

Un projet de norme volontaire est en cours d’élaboration à ce sujet. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Jusqu’à présent, le secteur du tatouage donnait surtout lieu à des initiatives législatives et réglementaires, notamment dans le cadre de programme de formation des tatoueurs aux risques en termes de santé publique.

Aujourd’hui, les professionnels sont réunis au sein d’un groupe de travail européen pour définir les bonnes pratiques du métier ainsi que les exigences essentielles en matière d’hygiène, de sécurité… La future norme volontaire informera les professionnels sur les bons gestes à adopter, les produits à utiliser, les équipements à privilégier. Des choses que la réglementation ne dit pas, du moins, pas dans le détail.

Pourquoi utiliser de l’antiseptique plutôt que du savon ? Pourquoi investir dans des robinets automatiques ? Voilà des questions pratiques auxquelles la norme volontaire répond. En l’occurrence, elle recommandera aux tatoueurs de s’équiper de ce type de robinets pour éviter un contact manuel, et se laver plus aisément les mains tachées d’encre et ainsi ne pas salir le robinet ou autre équipement à proximité.

La future norme permettra de limiter bien des risques. Les consommateurs sont parfois focalisés sur l’aspect artistique du tatouage et en oublient les aspects de sécurité. De même pour les tatoueurs. Or les dangers sont là : infections locales, voire générales, contaminations de client à client, problèmes de stérilisation du matériel, bien qu’il soit maintenant en majorité à usage unique…

Mon activité d’inspectrice à l’ARS me permet de voir ce qui se passe chez les tatoueurs. Il y a, chez certains, de gros problèmes d’hygiène. Sur les douze dernières inspections que j’ai réalisées, trois ont conduit à suspendre l’activité. Cela ne signifie pas que ces 25 % là présentent des risques : ce n’est heureusement pas représentatif de la profession, car ces inspections sont souvent réalisées à la suite de réclamations de clients.

Mais l’activité suscite beaucoup de vocations ; de nombreuses personnes s’improvisent tatoueurs face à la demande croissante des consommateurs. Il était temps d’encadrer le marché !

Selon vous, quels sont les bénéfices de la normalisation volontaire ?

Lorsque vous participez, vous êtes au cœur du projet qui deviendra la future norme volontaire. Vous pouvez faire part de vos remarques, exprimer vos désaccords. Je recommande aux professionnels de s’impliquer, plutôt que de voir un texte leur être imposé. Contribuer aux travaux de normalisation volontaire, c’est être à la source d’un document de référence pour vous et vos collègues. Lors des réunions de travail, différents acteurs sont présents : experts du métier, pouvoirs publics, associations de consommateurs… C’est un lieu d’échanges.

Que retenez-vous de votre implication ?

Pour moi, rien ne vaut un document élaboré par des professionnels qui connaissent le sujet ou le métier dont on parle. Ils sont au cœur des problématiques et des enjeux. La norme volontaire est faite pour eux et surtout PAR eux. C’est tout l’inverse de certains documents rédigés par des personnes qui n’y connaissent rien ! Ainsi, la norme est très fonctionnelle, elle complète les exigences législatives. Mais dans le domaine de la santé, il arrive aussi que les textes réglementaires fassent référence aux normes.

Et vous, que vous apporte votre participation ?

Les travaux de normalisation volontaire me permettent d’être plus proche des tatoueurs et de dialoguer avec eux sur les nouvelles pratiques ou les demandes des clients. C’est un excellent complément aux inspections que je réalise. Les inspecteurs ont parfois tendance à ne retenir que les mauvais « cas », repérés suite au dépôt d’une plainte, par exemple. Mais nous en rencontrons aussi de très bons, tant sur le plan artistique que sur le plan de l’hygiène, et en totale conformité. Rien ne vaut le dialogue, l’écoute, la rencontre avec l’autre. La normalisation volontaire permet cela.

Un dernier mot ?

J’espère de tout cœur que la norme volontaire européenne sur les bonnes pratiques de tatouage sera disponible pour 2017. Les travaux de normalisation peuvent parfois s’éterniser, on veut aller trop loin et viser la perfection. Or, ce n’est pas toujours nécessaire de parler de tout. Il suffit de trouver « le plus petit dénominateur commun ». L’objectif d’une norme volontaire n’est pas de délivrer des exigences inatteignables. Il y a, selon moi, deux niveaux d’exigences dans une norme : ce qui est indispensable et ce qui est souhaitable. Le professionnel a tout intérêt à mettre en œuvre les exigences indispensables pour être conforme et répondre aux attentes de son client. Il pourra mettre en place les exigences complémentaires par la suite. En cela, la norme laisse une marge de manœuvre.

*Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé

Propos de Danièle Chiambaretto – Présidente de la commission de normalisation AFNOR « Bonnes pratiques de tatouage » et pharmacien-conseiller à l’Agence régionale de santé du Languedoc

Focus : la commission AFNOR « Bonnes pratiques de tatouage »

Créée en 2015, la commission de normalisation AFNOR suit et contribue aux travaux de normalisation menés par le CEN (Comité Européen de Normalisation). Elle réunit à ce jour une vingtaine de membres. Les professionnels engagés dans ces travaux traitent notamment des aspects comme l’information et conseils aux clients, les pratiques d’hygiène, les compétences et connaissances des tatoueurs, la prévention des infections, la stérilisation… Pour en savoir plus.

> Vous aussi, participez !

 

Image : @ Mikhail Kayl / Shutterstock



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