Adaptation au changement climatique : l’ISO 14090 dit comment faire

La nouvelle norme ISO 14090 fournit aux entreprises et aux collectivités locales une méthode de travail pour prévenir et s’adapter au changement climatique.

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Inondations - changement climatique

Les impacts annoncés et constatés du dérèglement climatique risquent de peser lourd sur les entreprises et les collectivités territoriales qui n’auront pas su anticiper. Pour les aider, il existe désormais un cadre et une démarche robuste qui leur permet de planifier leurs actions d’adaptation.

A l’automne 2019, l’Organisation météorologique mondiale (une instance de l’ONU) révélait que l’année 2018 figurait parmi les plus chaudes depuis 1850, avec une concentration moyenne de CO2 dans l’atmosphère atteignant de nouveaux sommets. Les conditions météorologiques moyennes et la fréquence des événements extrêmes (canicules, sécheresses, tempêtes, inondations, etc.) connaissent déjà de profondes modifications. Avec cette certitude : ces changements vont s’amplifier jusqu’à la fin du siècle. « Il est donc devenu nécessaire de se préparer aux conséquences parfois dévastatrices du changement climatique : parallèlement aux mesures d’atténuation, il faut des mesures d’adaptation », soutient Laurence Thomas, cheffe de projet « Atténuation et adaptation au changement climatique » chez AFNOR Normalisation.

Laurence Thomas a animé la commission de professionnels qui, pour la France, a contribué à rédiger une nouvelle norme volontaire internationale se présentant comme un mode d’emploi pour aider entreprises et collectivités territoriales de toutes tailles à raisonner en mode adaptation climatique : la norme NF EN ISO 14090. Cette thématique figure dans les priorités de la stratégie française de normalisation, sous l’intitulé « transition écologique ». Validée au sein d’un comité ISO composé de 62 pays, la norme a été publiée en France en novembre 2019 dans la collection AFNOR, dix-huit mois après avoir été soumise à enquête publique.

NF EN ISO 14090 : mettre en pratique le concept de résilience

Jusqu’à présent, seules les collectivités territoriales étaient aidées dans leurs démarches d’adaptation au changement climatique, grâce aux recommandations et aux méthodologies Impact’ Climat et Objectif’ Climat de l’ADEME. La nouvelle norme ISO 14090 s’est nourrie de ces méthodologies, en les adaptant à tout type d’organisation, notamment les entreprises. Pour illustrer en quoi une démarche d’adaptation était bénéfique pour elles, l’ADEME a publié un recueil d’expériences de quatre sociétés en France et au Canada, en variant les tailles. Y figurent ainsi le cas d’une petite société de négociants de cacao, Rockwinds, mais aussi d’un groupe d’envergure internationale comme Vinci Autoroutes. L’ADEME remettra le couvert courant 2020, avec un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour aider au financement d’expérimentations sur l’adaptation au changement climatique. Les organisations retenues bénéficieront d’un accompagnement par un bureau d’études spécialisé.

Dans le premier recueil d’expériences, Vinci Autoroutes y décrit comment elle a mis en pratique le concept de résilience. En 2016, l’autoroute A10, qu’elle gère en concession, a dû être fermée durant dix jours en raison des pluies torrentielles. Sa réouverture a mobilisé près de 300 personnes. L’épisode a fait tilt dans l’entreprise, qui a engagé une réflexion de fond afin de limiter sur le long terme les dommages économiques des événements météorologiques extrêmes. Pour anticiper les risques de glissement de terrain associés au retrait-gonflement des argiles, l’entreprise envisage d’installer des capteurs au sol. Elle compte aussi recourir à un outil pour évaluer le vieillissement prématuré des ouvrages.

En plus de parler résilience, l’ISO 14090 ajuste les grands principes propres aux normes de management environnemental de la série ISO 14000. « L’objectif, explique Céline Phillips, spécialiste de la thématique à l’ADEME et membre du groupe de travail international sur la norme ISO 14090, vise dès maintenant à identifier, préparer et gérer les impacts liés au changement climatique. Il s’agit de déployer de bonnes pratiques, d’améliorer les performances en adaptant le système de gestion, et créer une culture organisationnelle qui s’engage dans un cycle continu d’auto-évaluation, de correction et d’amélioration. » Bref, apprendre à anticiper sans attendre. Concrètement, cela passe par l’élaboration d’un plan d’actions précisant le calendrier de mise en œuvre, leur suivi, leur évaluation et leur communication.

Adaptation au changement climatique : des risques, mais aussi des opportunités

Norme-cadre, ISO 14090 fera l’objet de déclinaisons spécifiques. Une méthodologie de diagnostic (ISO 14091) et de planification (ISO 14092) destinée aux collectivités territoriales devrait prochainement être publiée. De son côté, le Comité européen de normalisation envisage de prendre en compte l’adaptation au changement climatique dans plusieurs normes sectorielles : énergie, transports, construction. On peut citer notamment la NF EN 50125-1 de juillet 2014 sur les applications ferroviaires ou encore la NF EN 16798-5-1 d’août 2017 sur la performance énergétique des bâtiments.

Voyons aussi le côté positif des choses : cette dynamique d’adaptation ne permet pas seulement de prévenir ou minimiser d’éventuels dommages, mais de profiter aussi des opportunités qui peuvent se présenter. Selon un rapport de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) rendu public en juin 2019, un groupe de grandes entreprises estime que les risques climatiques leur coûteront quelque 1 000 milliards de dollars… mais leur permettront aussi d’engranger des gains potentiels à hauteur du double, en commercialisant de nouveaux produits et de nouveaux services ! Un argument de plus pour inciter les organisations intéressées à prendre le train de la normalisation volontaire.

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© Marc Guitard/Getty Images