Elus locaux, la ville durable a maintenant son mode d’emploi

Elus locaux, la ville durable a maintenant son mode d’emploi

villes durables

Créer un écoquartier ? Construire une école à énergie positive ? Monter un projet d’agriculture urbaine ? Comment, quand on est élu local, s’assurer que l’ambition d’œuvrer pour une ville durable aboutisse au résultat escompté ? Réponse : en appliquant les deux nouvelles normes volontaires de management spécialement conçues pour les collectivités territoriales.

Un peu partout dans le monde, les édiles cherchent à soutenir la croissance et l’attractivité de leur commune, la rendre plus respectueuse de l’environnement, moins consommatrice d’énergie ou d’espace périurbain, tout en répondant aux attentes des habitants actuels et futurs. Bref, rendre leur ville toujours plus durable dans un contexte d’urbanisation et de dérèglement climatique croissants. Un vrai défi, tant les éléments à prendre en compte sont foisonnants et peuvent paraître contradictoires.

En cela, les normes volontaires sont d’une aide précieuse. Elles donnent le mode d’emploi pour bien s’organiser. La ville durable est d’ailleurs l’une des thématiques prioritaires de la nouvelle stratégie française de normalisation. Ainsi, depuis 2016, les collectivités locales disposent de la norme de management NF ISO 37101. Très généraliste, cette norme « chapeau » peut être utilisée par des collectivités de toutes tailles : du village à la grande métropole d’un pays développé ou en développement. Elle s’adresse aussi bien aux élus, à leur administration, qu’à toute personne ou entreprise impliquée localement – un promoteur immobilier, par exemple. Elle s’accompagne de la norme NF ISO 37120 (novembre 2018) qui recense les « indicateurs permettant d’orienter et de mesurer les performances des services urbains et de la qualité de vie ».

NF ISO 37104 : un guide d’application pour la ville durable

Pour faciliter l’application de ces deux normes, celles-ci se déclinent maintenant en fonction des familles d’utilisateurs. Les pouvoirs publics locaux sont les premiers à en bénéficier, grâce aux nouvelles normes NF ISO 37104 et NF ISO 37122, publiées respectivement en avril et août 2019. L’intitulé de la première est explicite : « Recommandations pour la mise en œuvre pratique de l’ISO 37101 au plan local ». « Il s’agit, ni plus, ni moins, d’un guide d’application invitant les collectivités à travailler davantage ensemble pour un même but », résume Etienne Cailleau, qui a accompagné les professionnels de ce sujet dans la rédaction de la norme côté français chez AFNOR.

De son côté, l’ISO 37122 complète l’ISO 37120 en présentant les indicateurs spécifiques aux villes intelligentes, « smart cities » en anglais. Il s’agit essentiellement de données provenant des domaines de la science et des technologies (nombre d’ordinateurs, de diplômés de l’enseignement supérieur, quantité de compteurs intelligents, etc.).

S’obliger à se poser les bonnes questions

Pour construire NF ISO 37104 et la faire coller au plus près des préoccupations des collectivités locales françaises, la norme mère ISO 37101 a fait l’objet de plusieurs études de cas [1] grandeur nature sous l’égide du ministère de la Transition écologique et solidaire : Les Parisculteurs (Paris), la Presqu’île (Grenoble), Cœur agro-urbain (Montévrain, en Seine-et-Marne), Rêve de scènes urbaines (Plaine Commune, en Seine-Saint-Denis).  « C’est une méthode de bon sens, qui vous oblige à vous poser les bonnes questions », commente Christian Lévy, conseil du ministère et président de la commission de normalisation AFNOR sur les villes et territoires durables et intelligents.

En croisant six finalités et douze domaines de compétences (lire encadré), NF ISO 37104 incite en effet les parties prenantes à s’interroger sur la pertinence de leur projet et sur ses impacts potentiels. Souvent, le questionnement débouche sur des thèmes ou des partenariats potentiels auxquels elles n’avaient pas pensé spontanément. Ainsi du projet Les Parisculteurs, dont l’objectif vise à végétaliser 100 hectares de toitures dans la capitale, dont 30 en agriculture urbaine : « La grille d’analyse leur a permis de s’interroger sur la santé, un thème qu’ils n’auraient pas abordé spontanément. C’est ainsi que leur est venue l’idée de faire participer au projet des entreprises de plantes médicinales », illustre Christian Lévy.

Une boucle d’amélioration continue

« Surtout, insiste Aurore Cambien, animatrice du groupe de travail international et directrice de projets ville durable au Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), l’ISO 37104 indique aux acteurs la marche à suivre pour réussir leur projet. Elle les prend par la main tout au long de cinq grandes étapes ». Tout part d’une ambition politique affichée des autorités locales (1), par exemple faire de leur commune un territoire affichant un bilan « zéro carbone » en 2040. S’ensuit alors un diagnostic initial (2). Puis la mise en place d’une stratégie et la définition d’objectifs prioritaires (3) qui débouchent sur un plan d’actions concrètes (4). Enfin, dernière phase, une évaluation des résultats (5), tout au long de la mise en œuvre du projet, permet de modifier la stratégie ou le plan d’action, dans une boucle d’amélioration continue. « Les expérimentations, assure Aurore Cambien, montrent que ces normes permettent d’atteindre plus efficacement les grands objectifs de développement durable qu’une collectivité s’est donnés. »

Largement soutenues par l’État pour faire valoir, à l’international et au niveau européen, la vision de la ville durable à la française, les normes NF ISO 37101 et suivantes commencent à se diffuser auprès des collectivités territoriales par l’intermédiaire des ministères et d’opérateurs nationaux sensibilisés à la norme. Elles sont notamment de plus en plus souvent citées dans les appels d’offres nationaux et les appels à manifestation d’intérêt. En parallèle, à Genève, l’Organisation internationale de normalisation, via son comité technique ISO/TC268, poursuit sa déclinaison de l’ISO 37101 avec la sortie programmée de deux guides d’application. Le premier, destiné aux acteurs privés de la construction, devrait être disponible dans deux ans. Le second, prévu un an plus tard, portera sur les quartiers d’affaires durables.

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Ville durable : 6 finalités et 12 domaines d’action

Les finalités :

  • Bien-être
  • Cohésion sociale
  • Utilisation responsable de ressources
  • Préservation et amélioration de l’environnement
  • Attractivité
  • Résilience

Les domaines d’action

  • Gouvernance, responsabilisation et engagement
  • Éducation et renforcement des compétences
  • Innovation, créativité et recherche
  • Santé et soins
  • Culture et identité collective
  • Vivre ensemble, interdépendance et solidarité
  • Économie, production et consommation durable
  • Cadre de vie et environnement professionnel
  • Sûreté et sécurité
  • Biodiversité et services écosystémiques

© Getty Images/Artem Vorobiev

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